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Pourquoi le turnover de Vêtements est un modèle pour les agences de publicité ?

Par E. de Saint-Bon,
le 05 juin 2017

It’s always about timing. If it’s too soon, no one understands. If it’s too late, everyone’s forgotten.
Anna Wintour

#ToujoursPlus a dépassé depuis très longtemps le crédo « less is more ». Dans un monde de surproduction perpétuelle, être constamment et visiblement à la pointe de toute chose est plus qu’un élément de langage, c’est un vrai objectif de communication. Quitte à en faire trop pour suivre la tendance, n’y a-t-il pas un risque de se perdre ?

La marque Vêtements, plus connue par les aficionados que par la majorité, a pourtant explosé ce que l’on savait de la mode.

Ovni issu d’un collectif de 7 personnes (dont les noms sont encore masqués pour la plupart), Vêtements détruit et détourne tous les codes pour mieux se les approprier. Fini les coupes près du corps et la glorification de la marque ; place à d’immenses pièces affinées aux couteaux et aux t-shirts estampillés de logos type DHL ou Antwerp (oui, la bière). Hormis la curiosité, difficile d’expliquer ce succès aux néophytes. Mais là est le génie de Vêtements, donner à sa cible ce qu’elle désire : tout. La marque nage alors entre luxe et underground, conservant le savoir-faire de l’un, et l’irrévérence de l’autre. Les prix de l’un et l’anticonformisme de l’autre.

En trois ans, selon les propos de Style.com rapportés par Le Monde, la marque s’est imposée comme « le miroir de ce que porte la jeunesse à Paris comme à Brooklyn ».

Véritable machine à disrupter, Vêtements ne comptait pas s’arrêter là.

Damna Gvasalia, head designer de la marque, déclare à Vogue sa volonté de se retirer de la normalité : « Je m’ennuie. Je pense que nous devons commencer un nouveau chapitre. Les défilés n’en sont plus les meilleurs moyens. Nous avons fait des défilés dans un sex club, dans un restaurant, dans une église. Nous avons sorti nos pièces en dehors des saisons, nous avons fait monter des hommes et des femmes ensembles. Tout ça est devenu répétitif et épuisant. Nous ferons ce que nous avons à faire au moment venu et voulu. Cela sera une surprise. » L’on comprend alors que Vêtements souhaite à nouveau tout briser, pour mieux recréer – y compris les coupes oversize. Alors que le monde de la mode s’arrachait les pièces de Gvasalia, ce dernier s’apprête non à les arrêter, mais à tout changer.

Pour quoi ? Encore impossible à savoir : « J’aimerais travailler avec des gens de la Silicon Valley. Je veux travailler sur des concepts. »

L’on peut imaginer que les fondateurs de la marque ont compris qu’alors au sommet, il fallait redescendre ou trouver un sommet plus haut. Une marque du « classical system » aurait bien évidemment choisi de rester assise, de suivre les tendances pour ses pièces déjà imposées au public. Mais Vêtements ne peut exister qu’uniquement en créant la tendance.

Alors que les anciens publicitaires lançaient outre des marques, des modes de vie, qu’en est-il aujourd’hui ? Nous autres agences sommes devenues les porte-voix de nos clients, non plus leurs propres voix. Hier encore, les marques servaient à des Bleustein-Blanchet de décider ce que les acheteurs achèteraient par millions demain pour rester « in ». Nous sommes devenus avec le temps des lanceurs d’alertes, non plus des lanceurs d’idées. Nous décidons de ce qui marche, non plus de ce qui marchera.

Sont alors nés des « cabinets de tendance » qui, probablement, seront amenés à détruire nos métiers avec un seul crédo : aller plus loin.

Nous publicitaires, n’avons-nous pas à tord uniquement privilégié la tendance ? N’avons-nous pas oublié qu’il était aussi de notre ressort de créer la tendance ? Plutôt que de la suivre ?

Redevenons consumer-centric. Comme Vêtements, nous redeviendrons leaders de ce que veulent les gens.

D’ailleurs, Vêtements ne follow personne sur Instagram.

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