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Ces réseaux sociaux qui nous enserrent dans leurs griffes…

Par E. de Saint-Bon,
le 16 mars 2022

Pendant le confinement, et même après, j’ai pris le temps d’observer mes enfants. Ce sont désormais des ados, de jeunes adultes, et j’en suis arrivé au constat suivant : ils sont complètement captivés (et captifs !) par les nouvelles technologies, ils sont persuadés de créer des liens avec leurs pairs sur les réseaux sociaux, ils confondent confiance et sécurité. Pourquoi ? Comment ? J’ai voulu comprendre et j’espère vous apporter matière à réflexion…

Seule au milieu de la foule

L’enfer du paradigme technologique

Si vous jetez un œil dans le rétroviseur, tout est allé très vite : en moins de 25 ans, on est passé du modem aux lunettes connectées, et demain, qui sait ? Des objets connectés à l’intérieur même de notre organisme ! Cette vitesse de progression des nouvelles technologies a donné lieu à des études sur l’évolution de nos comportements. Certaines d’entre elles ont prouvé que, par exemple, les jeunes enfants ne savent plus comment réagir face à un magazine papier où rien n’est interactif. Ces filles et ces garçons, et même nombre d’étudiants, ne savent plus appréhender un récit linéaire, structuré, ils manquent de discernement. Beaucoup parmi nous, bien qu’adultes, n’accèdent qu’aux news valorisées par leur communauté et vivent sans le savoir dans une bulle d’auto-confirmation. Dès lors, le constat s’impose : la technologie façonne notre vision du monde. C’est à travers elle désormais que nous nous projetons, nous nous informons, nous nous divertissons.

On pourrait ainsi multiplier les exemples à l’envie et affirmer même que la technologie progresse plus vite que la philosophie. En effet, ces outils que nous utilisons nous dépassent, ils nous échappent. Avez-vous déjà utilisé toutes les fonctionnalités de votre smartphone ou seulement de la suite Office ? Il nous est impossible de les maîtriser à 100 %. De plus, dans une inversion historique étonnante, nous sommes nous-mêmes devenus la matière d’études de nos propres outils, lesquels s’adaptent en permanence à notre évolution, notre comportement. Les algorithmes des réseaux sociaux, pour ne citer qu’eux, nous enferment dans leur logique en choisissant des publicités, des liens à notre place, et cela en fonction de nos comportements, liens sociaux, déclarations et commentaires. 

Pire encore : le modèle dominant des réseaux sociaux consiste à nous exposer à des publicités. Le plus possible. Le plus fréquemment possible. A partir de là, tous les moyens sont bons pour nous attirer, nous retenir, nous faire revenir : design, accroches, notifications, concours, interactions sociales présentées comme valorisantes, etc. Des bataillons entiers travaillent chez les géants californiens à entretenir cette « captivité ». Tristan Harris, un ex-designer de Google, s’est donné comme mission de dénoncer ces techniques insidieuses. Comme il le dit si bien « votre temps, c’est leur argent ».

Lien social et instauration de la confiance : de fausses promesses

Les réseaux sociaux retiennent donc notre attention et captent notre temps sous couvert d’interactions sociales. Mais en réalité, nous sommes confrontés à deux fausses promesses…

La promesse initiale des réseaux sociaux, c’est la création et l’enrichissement de liens sociaux. En réalité, ceux-ci ne nous font interagir avec nos pairs que dans le seul but de nous maintenir sur leurs plates-formes. On ne saurait en effet qualifier de « relation » un échange branchable et débranchable d’un clic, sans exposition ni engagement. D’ailleurs l’analyse systémique d’un corps social considère que seul le service rendu – celui qui créé une dette morale – permet le tissage de liens réels. Sur Facebook et consorts, point de services, point de dettes morales. Juste des likes.

L‘autre promesse non tenue, c’est celle de la confiance. Je ne parle pas des dérives constatées depuis des années (infox, harcèlements, etc.). Je parle de cette confusion entre confiance et sécurité. L’instauration de la confiance suppose en effet la confrontation, la prise de risque, l’épreuve ou la difficulté traversée ensemble et le constat satisfaisant du bon retour d’expérience. Or, sur les réseaux sociaux, on évolue dans des espaces balisés, se voulant sans risque, où l’on peut interagir sans s‘engager et parfois même en se masquant. Il s’agit donc d’espaces où notre confiance ne peut réellement se développer. Le paradoxe – et la confusion – c’est que ces espaces digitaux prétendent instaurer un système de confiance alors qu’ils ne gèrent en réalité que des échanges plus ou moins sécurisés.

Du déni à la désintoxication en passant par la prise de conscience

Ce n’est pas très joyeux comme bilan, vous allez me dire ? Pourtant, il faut bien commencer par une prise de conscience pour agir. C’est un peu comme quand on souffre d’une dépendance, à l’alcool ou au tabac. Il y a la première phase où on se dit que l’on est seulement un consommateur occasionnel, que ce n’est pas bien grave. Puis on passe par le déni, on n’accepte pas d’être considéré comme dépendant. Enfin, on va prendre conscience de la réalité et tout mettre en œuvre pour se désintoxiquer. 

Les nouvelles technologies, les réseaux sociaux, fonctionnent de la même façon. N’avez-vous jamais ressenti cette petite excitation quand vous recevez une notification ou un like ? Cela est dû à la dopamine, la molécule du plaisir, sécrétée dans notre cerveau à ce moment-là. Plus vous aurez de « likes », plus vous cliquerez, plus votre cerveau libérera de dopamine… C’est le premier pas vers la dépendance. Nous pourrions de même discourir à l’infini du syndrome FOMO (fear of missing out), qui vous laisse anxieux de « rater » ou de « ne pas savoir » un événement (même infime) arrivé à l’une des personnes de votre entourage réseau. Résultat : vous rafraîchissez votre écran plus de 100 fois par jour… et tombez dans une forme de subjugation qui hache vos journées et dont vous ne pouvez plus vous détacher.

Si vous prenez conscience de ces phénomènes pernicieux, vous allez pouvoir adapter votre comportement et vous discipliner. Les solutions existent déjà, il nous « suffit » de les appliquer : le contrôle parental, la limite du temps d’utilisation via une application dédiée, etc.  Le plus efficace pour ma part reste encore de dire que « les autres » ont leur vie, publient ou partagent certainement des choses formidables sur les réseaux sociaux, mais que j’ai moi-même ma propre vie, que j’essaie de « faire ce que je fais », une chose à la fois, pleinement dédié à mon activité ou mon interlocuteur, et que cette philosophie simple ne souffre pas de se faire tirer par la manche toutes les 2 minutes.

Je me dis d’ailleurs, je veux le croire en tout cas, que la fin prédite de la crise sanitaire nous donnera à tous le plaisir retrouvé de « vrais » contacts et d’échanges authentiques. Un peu plus loin de nos chers écrans.

Je nous le souhaite en tout cas.

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