Les réseaux sociaux servent parfois de défouloir, voire de « bureau des pleurs » pour des clients s’estimant mal servis par les grandes sociétés. A ce jeu, c’est Twitter qui remporte la palme. Sa simplicité, la concision requise de ses messages, son usage majoritairement mobile et son réseau ouvert en font le champion de cette activité.
Jusqu’à présent, les plaignants se contentaient de tweeter rageusement, parfois en mentionnant l’identité de la marque dans l’espoir que le tweet ne soit pas qu’une bouteille à la mer ; mais il faut convenir que, le plus souvent, cette démarche reste vaine.
Hasan Syed (@HVSVN sur Twitter), lui, a été plus loin : il a carrément acheté de la publicité contre British Airways.
Perdant pour la 2e fois en un mois sa valise, la compagnie anglaise s’est montrée négligente dans le traitement de la plainte de Hasan. Resté sans réponse, et fulminant face au silence de la marque, Hasan a tweeté ceci le 2 septembre dernier :
« Ne volez pas sur @britishairways. Leur service client est détestable. »
Mais, et c’est une première, il a été plus loin : il a sponsorisé ce tweet visant spécifiquement les followers du compte de British Airways sur Twitter.
Lancés il y a 3 ans, les tweets sponsorisés sont achetés auprès de la régie de Twitter et permettent de maximiser la portée de vos tweets. Une icône discrète les distingue des autres tweets, mais on peut interagir avec eux (répondre, retwitter) comme avec les autres tweets.
36 heures plus tard, son tweet avait touché près de 80 000 personnes et cela pour un débours d’environ 1000 $.
Reprise par Mashable dès le lendemain, 3 septembre, l’histoire a fait le tour de la planète Web en quelques heures. Rapidement, l’article est rediffusé 20 000 fois par les internautes, touchant ainsi 20 000 communautés !
Face à ce tour inattendu, la compagnie aérienne a répondu assez vite aux injonctions de Hasan (en quelques heures) ; mais seulement pour accuser réception et non pour apporter une solution concrète.
« @HVSN Pardon pour le délai de réponse, notre compte Twitter est ouvert de 9h à 17h GMT. S’il vous plait, envoyez nous votre référence de bagage en DM (message privé) et nous regarderons. »
Notez au passage la tonalité légèrement bureaucratique de la réponse. Il est évident que le community manager de BA a une vie privée et ne peux travailler 24/7. De là à afficher ses « horaires de bureau » dans un tweet… De surcroît, ce community manager est-il seul à gérer ce type de plaintes ?
Mais revenons à notre histoire. La réponse du twittos a été sans appel :
« Je refuse d’arrêter ma campagne sur Twitter tant que British Airways n’aura pas retrouvé ma valise ».
Face à la pression croissante, le lendemain, 4 septembre, British Airways semble alors proposer à Hasan un dédommagement. La réponse fuse :
« Pas intéressé par un dédommagement ».
La fin de l’histoire est heureuse (pour Hasan) puisqu’il aura finalement retrouvé sa valise et ses affaires.
En 2010, une étude de la prestigieuse Harvard Business Review avait affirmé qu’en matière de fidélisation, rien ne valait la résolution des problèmes des clients. Pour les consultants, auteurs de cette étude, il était vain de chercher à dépasser les attentes des clients, mais simplement à assurer une qualité de service sans faille. D’après eux, les sociétés commerciales doivent réduire au minimum les efforts que doivent faire les clients quand ils ont un problème à résoudre.
Oh, j’imagine bien que la qualité de service de British Airways est très bonne, voire excellente. L’immense majorité des clients est servie avec efficacité et diligence. Les problèmes sont rares. D’une certaine manière, nous sommes en présence d’un pouvoir nouveau qui émerge et qui s’avère sans contre-pouvoir. Car enfin, British Airways mérite-t-elle un tel traitement, une telle contre-publicité pour une malheureuse valise égarée ? Non bien sûr. Nous ne sommes même pas en présence d’une marque qui maltraite sciemment son client, l’ignore ou le dédaigne. Ainsi, il y a presque une forme d’iniquité pour la compagnie aérienne dans cette affaire.
Cependant, le fait même qu’Hasan ait « investi » environ 1000 $ dans cette affaire démontre l’acrimonie forte qu’il a dû éprouver. C’est l’enchaînement malheureux des événements (égarement de deux valises en un mois, silence de la société, réponse maladroite et inappropriée, etc.) qui l’a amené à chercher un recours sur Twitter. Hasan a dû alors décider de « faire mal » à l’opérateur aérien pour avoir son écoute et obtenir gain de cause.
En somme, la question n’est plus seulement de connaître le pourcentage de clients mécontents, elle est désormais de prendre en considération l’intensité du sentiment négatif que peut éprouver un client face aux dysfonctionnements inhérents aux grandes organisations. Même si les clients mécontents restent minoritaires, il suffit que les compteurs virent au rouge chez un seul d’entre eux pour provoquer une telle affaire.
Finalement deux choses retiennent l’attention dans cette histoire. D’abord le fait qu’un particulier achète de la publicité. Les réseaux sociaux permettent en effet de diffuser en message pour des sommes minimes (quelques $) quand les grandes médias restent l’apanage des entreprises et des grandes organisations.
Ensuite, le fait que la publicité ne soit plus en faveur d’un produit ou d’un service mais bien contre une société. Dorénavant, les opposants, les détracteurs ont voix au chapitre, non plus seulement en « earned media » (ce que je raconte à mes fans, mes followers), mais en « paid media » (l’espace publicitaire que j’achète pour faire entendre ma voix).
Certes, c’est la primauté de l’approche de Hasan qui donne à cette affaire ce retentissement. Si Hasan fait des émules (dans la téléphonie par exemple ou dans la banque, je dis ça, je dis rien), je ne pense pas que les Mashable et consorts s’enflamment à nouveau. Mais je ne doute pas que nous voyions surgir d’autres démarches de publicité vindicative à l’avenir.
Marty St. George, senior vice president du marketing de JetBlue Airways ne s’y est pas trompé et explique que l’affaire Hasan Sied pourrait ainsi révéler une nouvelle tendance. D’ailleurs, les anglais, jamais en retard d’un néologisme, ont même imaginé un nom pour ce phénomène : « complainvertising« .
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