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Pourquoi je me passe désormais d’un cabinet de recrutement

Par E. de Saint-Bon,
le 27 octobre 2015

Longtemps je suis passé par les cabinets. Je n’avais pas le temps, moi, de mener tant d’entretiens avec les impétrants ! Et puis, n’avais-je pas appris chez Mars qu’il convenait de se concentrer strictement sur sa spécialité et de sous-traiter tout le reste ? Recruter, c’est un métier ; et, pensais-je, ce n’était pas le mien. Voilà tout.

Se passer d’un cabinet, est-ce bien raisonnable ?

Il est vrai qu’employer les fines gâchettes du recrutement tombe sous le sens tant cette démarche présente d’avantages. En premier lieu, le cabinet avise et conseille. Comme toujours, le match commence avant le match. Le cabinet d’expérience vient vous écouter et peut discuter de votre intention. Il offre ainsi un recul que votre nez collé au guidon vous empêche d’avoir, une distanciation nécessaire pour définir le profil recherché.
L’annonce publiée, le cabinet de recrutement crédibilise la démarche ; sa notoriété vient nourrir la vôtre, surtout si celle-ci est locale. Il peut ainsi amener à la table de bons candidats qui ne se seraient pas déplacés sans lui.

Et puis, bien sûr, le cabinet fait gagner du temps. Annoncer expose à recevoir… des candidatures. Certaines sont surprenantes, parfois audacieuses. Si vous avez « tapé large » sur les annonces – je pense à l’APEC –, beaucoup sont hors sujet. Malgré cette altérité, il convient d’assurer à chacun un traitement égal : réception, lecture, tri, réponse. Que je sache, et je bénis le ciel pour cela, il n’existe pas (encore ?) de logiciel pour traiter automatiquement les candidatures reçues.

Vient alors votre entrée en scène, le moment où l’on vous présente « l’élite de la crème du gratin », comme dirait Pierre Reboul, le fondateur de l’Electronic Business Group. C’est le point de bascule où la quantité s’efface devant la qualité. Alors vient le moment du choix, terrible, difficile. Dans cette science molle et très subjective qu’est le recrutement, on ne peut hélas mixer les qualités des deux candidats shortlistés. Il faut trancher et choisir. Le « faites-moi un mix des deux » trop souvent entendu à la présentation de deux pistes créatives n’est pas de mise. Là encore, le cabinet vous tempère et vous évite, par exemple, de recruter le clone de vous-même ou d’un profil idéalisé.
Et ce n’est pas fini ! Si l’heureux élu ne conclut pas la période d’essai, votre fidèle conseil se remet en chasse, gratuitement, pour vous trouver à nouveau la perle à rare.

Et pourtant…

Nonobstant cette kyrielle d’avantages, j’ai décidé récemment de recruter par moi-même. Nous avons chez Roxane un processus qui se veut court, en deux entretiens seulement. Le dirigeant (L’auteur de ces lignes) reçoit les candidats en premier, à la différence de la plupart des sociétés. 30 % environ des candidats vus passent un second entretien, avec deux managers de la société.

Généralement, je prends une heure et demie par entretien. A raison d’une vingtaine de candidats reçus, je savais donc que cette décision allait me coûter une petite semaine de travail additionnel, semaine à caser en un mois environ, soit une hausse de ma charge de travail d’environ 20 % sur un mois. Mais comme j’allais d’emblée économiser environ 15 k € de frais, je me suis dit que le jeu en valait la chandelle.

Linkedin : promesse tenue

Première bonne surprise : Linkedin, pour annoncer, ça marche ! Quelques minutes suffisent à y copier-coller le texte de votre annonce, 2 fois 50 € de publicité pour lancer les choses, et zou !, vous prenez 30 candidatures en deux jours et 150 en un mois.

Une candidature sur sept en moyenne est intéressante. On établit ainsi une long list de 20 à 30 candidats ce qui constitue une bonne assiette pour démarrer les entretiens. Le magique, c’est que les échanges et prises de contact sont naturelles et simples. Très bonne plate-forme de recrutement, donc.

Blitzkrieg

Deuxième effet kiss cool : quelques heures suffisent à lancer votre campagne de recrutement. Avec un cabinet, vous prenez au moins un mois dans la vue, si ce n’est plus. Le temps d’en mettre deux en compétition, recevoir les offres, signer avec l’un d’entre eux, le lancer et le voir mener les premiers entretiens, il s’est écoulé plusieurs semaines. En outre, cette disposition ajoute un entretien de recrutement dans le processus ; sans compter le biais que la subjectivité de votre chargé de recrutement introduit dans le processus. Rapidement, on voit des campagnes de recrutement s’étaler sur plusieurs mois, pour une société qui, souvent, a besoin de recruter immédiatement.

De plus, dans cette guerre des talents, il faut aller vite pour ne pas laisser filer un candidat intéressant. Un recrutement, c’est un blitz, un tir groupé. Le processus une fois lancé doit être mené tambour battant. S’il s’étire, il meurt et tout est à recommencer. Cette notion de vélocité n’est pas suffisamment prise en compte par les cabinets.

Impermanence

Et puis, à l’instar d’un brief, le processus de recrutement est une matière vivante. Il bouge, il évolue, il est instable. Cela est particulièrement dans les startups où, comme l’écrivait récemment Mathieu Chéreau dans les colonnes de FrenchWeb, tout est impermanent. En menant les choses vous-même, vous restez libre de suivre l’évolution de votre propre besoin. Rien de pire que de se voir engagé alors que le besoin a évolué : un client est parti, deux sont arrivés, un collaborateur a démissionné, et hop !, on veut maintenant un profil un peu différent. Comment dès lors expliquer au cabinet qui s’est mis au travail que le paysage a changé, et cela en seulement quelques semaines, sans passer pour un fantaisiste ?

Une affaire de ventilation

S’adjoindre les services d’un cabinet, c’est se condamner à ne voir que 3 ou 4 candidats ; une petite lorgnette en somme. Voir le marché à travers 20 candidats donne une inspiration plus large et plus profonde. C’est fou ce que l’on apprend sur la concurrence à travers ces candidats ! Or les cabinets présentent en finale 3 ou 4 candidats non pas tant parce que c’est là l’aboutissement de leur démarche, mais parce qu’ils constituent le point nodal du marché du recrutement.

Imaginons un cabinet travaillant simultanément avec 3 agences digitales pour des profils analogues. Il orchestrera alors nécessairement une distribution des bons candidats. À chacune de ces 3 agences, il présentera un trio de candidats distincts, avec un top et deux candidats bien. Rappelons-le, son objectif est de conclure vite et bien ses 3 missions. Une mission qui s’éternise pour un cabinet et c’est la rentabilité qui plonge. La résultante, c’est que vous, le donneur d’ordre, ne voyez jamais l’intégralité du marché des candidats. Passer par un cabinet, c’est accepter de porter des œillères.

Timing is everything

Voir 20 candidats, cela peut sembler beaucoup, surtout si les premiers entretiens sont menés par le dirigeant. En réalité, cette démarche facilite le recrutement d’après pour un poste similaire. Car choisir un élu sur une short list amène à refuser des candidats eux aussi intéressants, avec lesquels on aurait volontiers travaillé. Voir 20 candidats, c’est se constituer un vivier de potentiels pour demain.

Timing is everything. Ce qui ne s’est pas fait aujourd’hui pourrait se faire demain. La vie est longue et le monde petit. Si ces candidats ont été vus via un cabinet, vous n’êtes plus libre, demain, de vos mouvements et êtes tenus de contracter à nouveau avec votre cabinet, et cela pour une valeur ajoutée, disons-le, bien faible.

Dans certains cas même une annonce peut donner lieu à deux voire trois recrutements. La démarche menée seule par vos soins s’avère alors très rentable. Là encore, le contrat éventuellement passé avec un cabinet vous lie et vous coûte.

Seuls, les cons ne changent pas d’avis

Je ne prétends nullement détenir la vérité en la matière. Je suis d’ailleurs susceptible de réviser ma position actuelle. J’ai seulement souhaité partager quelques réflexions issues des derniers recrutements que j’ai menés. Je précise même que j’ai apprécié de travailler avec les cabinets avec qui j’ai travaillé ; ils m’ont apporté des conseils avisés et une vision que je n’avais pas.
Si je devais à nouveau travailler avec un cabinet, j’introduirais trois notions essentielles : une prime de célérité, la possibilité de faire évoluer un peu le profil recherché au cours de la mission et surtout l’obtention d’une exclusivité de recrutement [métier / poste] sur une période donnée.

Si vous n’êtes pas d’accord avec ce que j’écris, n’hésitez pas à me le dire, à m’expliquer en quoi ; les commentaires sont faits pour cela.

Bons recrutements !

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