En réponse à l’article que vient d’écrire Christopher lequel est plutôt favorable à la perspective de laisser les enfants pouvoir utiliser Facebook, je voudrais apporter un point de vue un peu différent, à mi-chemin entre l’individu que je suis et le patron de Roxane. Naturellement, cette prise de position ne signifie en rien que je ne suis pas d’accord ou que je m’oppose au point de vue de Christopher, mais plutôt que nous avons au sein de l’agence des points de vue différents. Vive le débat ! Vivent les contradictions !
Les enfants, par nature, n’ont pas le discernement des adultes. Ils n’ont pas ce filtre ou ce sixième sens forgé par des années d’expérience qui font que nous, adultes, devenons vigilants en cas de situation trouble ou équivoque. Ainsi, ils prêtent généralement foi à ce qu’ils entendent dans la vraie vie… ou sur Internet. Dans ce document, l’ARPP (…) rappelle fort opportunément un article de la Chambre de Commerce International, à savoir que « La communication de marketing ne doit pas exploiter l’inexpérience ou la crédulité [des enfants ou des adolescents] ». Prenez une minute pour parcourir ce document : il apparaît comme évident que la surveillance que l’on peut effectuer auprès d’une campagne de publicité déclarée, officielle, planifiée, vole en éclat face aux milliers de conversations quotidiennes que les marques entretiendraient avec les enfants sur Facebook.
Or, disons les choses, une marque qui cible les enfants (ce qui n’a rien de critiquable) le fait d’abord pour développer ses affaires et non en premier lieu pour le bien-fait des enfants. Cette réalité laisse entrevoir des situations de décalage entre le discours d’une marque et les attentes légitimes des enfants, voire de leurs parents.
Si Facebook s’ouvre aux enfants, certains espèrent que leurs parents les sensibiliseront à la vigilance qui est de mise sur cet univers. Je crains hélas que ce soit une vue de l’esprit. Dès lors que Facebook autorisera les enfants à utiliser le réseau, bon nombre de parents considéreront que c’est, de fait, un réseau « fait pour les enfants », « forcément encadré et surveillé ». Ces parents pourraient ainsi s’affranchir de leur devoir d’encadrement et d’éducation sur ce sujet.
Certes, je ne nie pas la réalité qui fait que nombre d’enfants mentent sur leur âge parfois avec la complicité de leurs parents et sont aujourd’hui sur Facebook. Mais je pense qu’on ne doit pas pour autant « casser le thermomètre » et décider « qu’il n’y a plus de problème ». Je crois plutôt que Facebook et les autorités concernées devraient mettre en place des mesures sérieuses (surveillance et modération accrues par exemple) pour conserver aux enfants la fraîcheur et l’innocence inhérentes à leur âge.
Sur les réseaux sociaux, on trouve certes de la publicité, mais on vient surtout y chercher des échanges, des informations, des conversations. Pour les marques, ce ne sont pas seulement des messages publicitaires qui sont véhiculés, ce sont des personnes qui interagissent avec leur cible, dans le cadre d’une conversation en ligne.
Nous ne sommes donc plus dans le duo classique [création + achat d’espace] pour faire passer un message (approche que les enfants finalement décryptent assez bien), mais dans la conversation… comme avec un ami. Ce glissement de la création publicitaire vers les contenus et la conversation doit selon moi être désigné. En clair, une « conversation » d’une enfant de 9 ans avec un modérateur de 31 ans sur la page Facebook d’une marque de toupie, ce n’est pas de la publicité, c’est de l’influence digitale !
De fait, je crains que les réglementations valables pour la publicité deviennent poreuses ou obsolètes pour l’influence digitale.
Et justement, la publicité dans sa forme actuelle existe depuis 50 ou 60 ans. Comme telle, elle est encadrée et les limites que le législateur lui impose sont forgées par une longue période d’observation et de cas pratiques (voire de procès). Les réseaux sociaux n’existent que depuis quelques années et sont de surcroît en constante évolution. L’encadrement juridique et les prises de parole des annonceurs y sont ainsi beaucoup plus libres. Ne rêvons pas, le nécessaire encadrement des prises de parole des marques sur les réseaux sociaux prendra des années ce qui laisse un créneau assez large pour toutes sortes de dérives (je n’ose écrire d’abus !) envers les enfants. Je ne pense pas que les marques visant les enfants s’autoréguleront dans leur prise de parole. Fin 2009, sur mon blog, j’avais d’ailleurs pointé du doigt diverses dérives publicitaires des marques. Ces marques agiront ainsi (très légitimement d’ailleurs) dans le cadre légal qui leur sera imparti. Elles auront d’ailleurs un argument de poids : dans la plupart des cas, les actions et campagnes qu’elles développent se font pour le bien, la protection, la santé ou l’amusement des enfants.
Finalement, on pourrait observer une forme de convergence entre les desseins de Facebook (gagner plus d’argent, tout en prétendant apporter un service « cool » aux gens) et les objectifs des marques visant les enfants (créer et produire des contenus ou expériences réellement appréciés des enfants pour conforter leurs affaires).
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